1944 / 1945 / 1946 / 1947

Repères de lecture :

en rouge : les avancées sociales et démocratiques en France.

en bleu : les autres événements en France.

en vert : les événements internationaux.

 

1945

janvier - février

Indochine française : une terrible famine – menaçante depuis juin 1944 – ravage le Tonkin.

L’ensemble de l’appareil de production indochinois est tout entier tourné vers les besoins de l’armée japonaise. Le nombre de victimes s’élève entre 500,000 et 1 millions de mort, soit environ 10% de la population d’alors. Des populations entament un exode. 50 000 personnes environ périssent durant ces déplacements.

1 janvier

Entrée en vigueur du décret accordant le droit syndical à tous les Camerounais, sous réserve d'une autorisation préalable.

Tollé quasi général dans la société blanche. Le journal "le Cameroune libre" de Yaoundé commence une campagne virulente qui s'amplifiera de mois en mois. Au début les colonialistes pensaient que les Camerounais ne saurais pas utiliser ce droit. Mais dès les premiers jours de janvier, les statuts de 6 syndicats sont mis au point : Administration générale, Santé publique, trésor, PTT, instituteurs, moniteurs de l'enseignement.

Une délégation menée par Gaston Donnat, appuyé par la CGT, dépose les statuts auprès du chef de Région de Yaoundé qui les menaça d'intervenir sévérement en cas de troubles.

 

6 janvier

Offensive allemande dans les Ardennes.

Selon les alliés, cette attaque allemande vise à écraser la Première armée américaine, déboucher sur Anvers, isoler la Neuvième armée américaine, la Deuxième armée anglaise, la Première armée canadienne et infliger aux alliés un nouveau Dunkerque pour mettre la Grande-Bretagne hors combat. Les troupes anglo-américaines sont mises en grande difficulté. Dans ces circonstances, Churchill demande conseil à Staline et s’il peut compter sur une grande offensive soviétique sur le front Est au cours du mois de janvier. Le Commandement Suprême des troupes soviétiques décide d’avancer la date de l’offensive contre les Allemands du 20 au 12 janvier.

 

12 janvier

Opération Vistule-Oder : 150 divisions soviétiques entrent en action sur le « Front est ».

Pourvues d’une grande quantité d’artillerie et d’aviation, elles enfoncent le front allemand et ramènent les troupes hitlériennes à des centaines de kilomètres en arrière. Sur le front ouest, les troupes allemandes qui s’apprêtent à porter un nouveau coup, interrompent leur offensive et sont retirées du front pour être transférées dans l’Est contre les troupes soviétiques. L’offensive des troupes allemandes à l’ouest est mise en échec. Au moment où l’opération Vistule-Oder s’affaiblit, le 2 février, l’Armée rouge est à 80 km de Berlin. Presque toute la Pologne et une grande partie de la Tchécoslovaquie ont été libérées. 35 divisions allemandes ont été complètement détruites, 25 autres ont perdu 50 à 70% de leurs effectifs, et plus de 150 000 soldats ont été fait prisonniers.

 

 

« Au nom du Gouvernement de sa Majesté et de toute mon âme, je tiens à vous exprimer notre gratitude et nos félicitations à l’occasion de l’offensive gigantesque que vous avez commencée sur le front Est. »

 

W.Churchill à J.Staline, le 17 janvier

 

 

13-14 janvier

Premier congrès de l'Association "France-URSS" à la Maison de la chimie à Paris, en présence de Bogolov, ambassadeur d'URSS en France et du directeur de cabinet de Georges Bidault, ministre des Affaires étrangères. Elle succède à l'association "les amis de l'Union soviétique" (AUS) créée en 1928.

La création de l'Association "France-URSS" a lieu après la négociation à Moscou le d'un traité d'alliance et d'assistance mutuelle entre la France et l'URSS. Une direction nationale est élue, placée sous la présidence de Paul Langevin. Le vice-président est l'ancien dirigeant des AUS, Fernand Grenier. Le secrétaire général est, lui aussi, un ancien militant des AUS, Camille Pailleret. En , l'association annonce 200 000 adhérents.

 

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/3c/France-URSS_carte_1948.jpg

Carte d'adhérent à l'association France-URSS pour l'année 1948.

 

16 janvier

nationalisation des usines Renault.

                 Elles reçoivent le statut de régie nationale, dotée de la personnalité civile et de l’autonomie financière, dirigée par un président-directeur général nommé en Conseil des ministres et par un conseil d’administration où siègent représentants de l’État, du personnel et des consommateurs.

 

                   17 janvier

        Varsovie est prise par l’Armée rouge.

22-23 janvier

        réunion du comité central du Parti communiste définissant une orientation légaliste.

30 janvier - 2 février

Conférence de Malte.

Réunissant le président des États-Unis, Franklin D. Roosevelt et le Premier ministre du Royaume-Uni, Winston Churchill, son but est de préparer la conférence de Yalta qui doit se tenir à la suite avec le président du Conseil des commissaires du Peuple, Joseph Staline. Elle réunit les chefs d'état-major pour planifier la campagne finale contre les troupes allemandes et japonaises. Les deux dirigeants ont convenu aussi de limiter la progression de l'Armée rouge en Europe centrale.

3-11 février

Conférence de Yalta.


           À la première séance plénière, on parle de la situation militaire et de la poursuite de la guerre. La seconde est essentiellement consacrée au sort futur de l’Allemagne ; la troisième à la mise sur pied de l’ONU ; on y parle également de la Pologne, qui revient sur le tapis les jours suivants, ainsi que les questions balkaniques. La dernière séance plénière revient sur la question allemande, au règlement de laquelle il est entendu que la France sera associée.

 

13 février

Budapest est prise par l’Armée rouge.

 

                   6-14 février

        la Conférence de Londres rassemble 55 organisations syndicales.

                 Elle demande la démilitarisation de l’Allemagne et du Japon, l’association des syndicats au règlement de la paix et à la création de l’Organisations des nations unies. Elle convoque une deuxième conférence à Paris ayant pour but de préparer une Fédération syndicale mondiale.

 

14 février

Pacte de Quincy.

Rencontre entre le roi Ibn Saoud (Arabie Saoudite) et Franklin Roosevelt. Ils débattent d'abord de la colonisation juive en Palestine, Roosevelt tentant d’obtenir l’appui du roi pour la création d’un foyer national juif en Palestine, chose qui lui est catégoriquement refusée. La discussion passe ensuite à la Syrie et au Liban, concernant le départ des Français et l'indépendance de ces deux pays. Les États-Unis s'engagent à protéger militairement la dynastie des Saoud en échange de l'exploitation de ses richesses pétrolières.

 

                   22 février

        Ordonnance de création des comités d'entreprise.

Elle concerne uniquement les établissements de plus de 100 employés, leur caractère seulement consultatif n’entame pas le pouvoir de décision du chef d’entreprise. Le gouvernement a retiré la plupart des attributions économiques et des moyens d’action qui avaient été ajoutés au projet initial par la Commission du travail de l'Assemblée consultative – présidée par Croizat – et approuvés à l’unanimité par cette même assemblée. Le gouvernement retire même de son propre texte initial certaines dispositions critiquées par le patronat.  L’ordonnance est accueillie par de vives critiques des syndicats, dont l'influence grandit chaque jour, ce qui provoque un incident de séance le 2 mars à l'Assemblée, le général de Gaulle, mécontent, quittant la salle.

2 mars

les AML ouvrent leur congrès à Alger.

 

                   3 mars

        ordonnance créant une école primaire unique.

 

9 mars

coup de force japonais en Indochine.

Les japonais s’attaquent brutalement à l’armée et aux autorités françaises et poussent l’empereur Bao Daï du Viêtnam et le prince Sihanouk au Cambodge à proclamer la fin du traité de protectorat français (10 et 11 mars). De ce fait l’alliance franco-japonaise via le régime de Vichy devient caduque. 40 000 français, civils et militaires, sont alors confinés dans des camps ou dans des quartiers urbains, 800 officiers sont assassinés et l’amiral Decoux – gouverneur général d’Indochine sous Vichy – est arrêté. L’armée japonaise est à la manœuvre et maitrise totalement le pays et sa production – ne recevant guère que le soutien du parti indépendantiste fascisant répondant au nom de Dai Viet. Le Việt Minh, aidé rapidement par les services secrets américains, se prépare à passer à l'action contre l'occupation japonaise.

 

Confinement des troupes franco-vietnamiennes par l’armée japonaise, Lang Son, 9 mars 1945
Confinement des troupes franco-vietnamiennes par l’armée japonaise, Lang Son, 9 mars 1945

13 mars

pressé par les Japonais, le roi Norodom Sihanouk proclame l’indépendance du Cambodge. Un Conseiller suprême japonais est placé à ses côtés. Les nationalistes, soutenus par les japonais, prennent le pouvoir.

 

16 mars

au Laos, le roi Sisavang Vong, fidèle au protectorat français, invite ses compatriotes à aider les français et à se battre contre les japonais.

 

                   22 mars

        création de la Ligue arabe.

                   Elle se constitue au Caire avec l’Égypte, la Syrie, le Liban, la Transjordanie, l’Irak et l’Arabie Saoudite. Ils s’engagent à associer leurs efforts pour coordonner leur politique, leurs actions économiques, monétaires et douanières, à soumettre au conseil de la Ligue le règlement de leurs différends. D’emblée, la Ligue arable condamne l’impérialisme et le sionisme.

 

24 mars

Déclaration du GPRF sur la création d’une Fédération indochinoise au sein de l’Union française.

 

27 mars

le Comité confédéral national de la CGT se réunit pour la première fois depuis la guerre. Benoît Frachon apporte à la « bataille de la production » une dimension globale : pour la classe ouvrière, devoir national et devoir de classe se recouvrent, et les bénéfices tirés de la reprise économique doivent renforcer les dynamiques démocratiques possibles dans la période. Sur le fond, la reprise économique doit non seulement permettre de relever le niveau de vie des travailleurs, mais de tirer, à partir de l'industrie, une relance de la production agricole et provoquer des conséquences vertueuses en chaîne réduisant la disproportion entre la masse des marchandise existante et la masse monétaire. Ce processus est considéré comme capable de renforcer l'alliance entre la classe ouvrière, la paysannerie et les couches petite-bourgeoises qui fonde la base indispensable d'une consolidation démocratique de la société.10

Pierre Le Brun est élu secrétaire de la CGT


10 Du coté du PCF, on retrouve également des allusions à « l'autre productivité », notamment chez les ministres les plus engagés dans la bataille de la production. Ainsi Ambroise Croizat soutiendra vigoureusement les initiatives les plus hardies des Comités de gestion, comme celui de Berliet, puis des comités d'entreprise. De même Charles Tillon, futur ministre de l'Armement, chargé de la reconversion des industries d'armement, apportera son appui aux comités mixtes à la production et reliera très explicitement la nécessaire intervention des travailleurs dans la gestion à la baisse des prix de revient et l'augmentation de la compétitivité internationale. Ce n'est pas la pression sur le coût du travail vivant, sur les salaires, qui est encouragée mais bien plutôt la lutte contre les gaspillages des matières premières et la réduction de tous les frais généraux : « Les sociétés nationales de l’aéronautique ont réduit, grâce à vos efforts, les frais généraux de 40% », déclare-t-il aux délégués du 15ème Congrès fédéral des métallos CGT en 1946. Pour les capitalistes, la production ne peut se développer qu'en se fondant sur un accroissement de l'exploitation et le recours prioritaire au crédit étranger, c'est à dire essentiellement états-uniens. Sous cette logique, les augmentations de salaire doivent être minimales et les nationalisations limitées aussi bien dans leur nombre que dans leur contenu.


5 avril

l’URSS renonce à son pacte de neutralité avec le Japon.

 

8 avril

au Laos, les japonais obligent le roi Sisavang Vong à déclarer l'indépendance.

 

11 avril

Traité soviéto-yougoslave d’amitié et de coopération signé à Moscou. Il permet l'entrée temporaire de troupes soviétiques sur le territoire yougoslave. Dans le toast adressé à cette occasion à Staline, Tito qualifie ce traité de "réalisation de la tendance immémoriale des peuples de Yougoslavie de vivre en étroite amitié avec la grande nation soviétique qui a vaincu sous la conduite de Staline nos ennemis communs".

 

13 avril

Vienne est prise par l’Armée rouge.

 

15 avril

création de l’Association des colons du Cameroun (Ascocam).

Elle a pour but de défendre la colonisation Française et les intérêts des colons.

 

25 avril

l'Armée rouge referme l'étau autour de Berlin et commence à se préparer à l'assaut décisif contre la capitale de l'Allemagne nazie.

 

25 avril

début de la Conférence de San Francisco qui créera l’ONU.

On assiste à une offensive des pays de la ligue Arabe, soutenus par l’URSS, en faveur de l’internationalisation des colonies qu’un système de tutelle collective sous l’égide de l’ONU conduirait rapidement à l’indépendance 11. La Charte qui entrera en vigueur le 24 octobre, précise que les puissances coloniales s’engagent, pour les zones sous tutelles à « les aider à développer leur capacité à s’administrer elles-mêmes ».


11 A Paris, l’on est d’autant plus inquiet que les nationalistes tunisiens placent leurs espoirs dans l’ONU et ne cachent pas qu’à leurs yeux, la Conférence doit être « la cérémonie des funérailles du colonialisme mondial ». La délégation française se montre très hostile à toute forme de contrôle international, présenté comme une ingérence dans les affaires des puissances coloniales, et à toute évolution dans le sens d’une émancipation politique. Mais isolée, elle ne peut que mener un combat défensif. Contrainte de se rallier au principe d’une tutelle de l’ONU sur certains territoires (dont le Togo et le Cameroun font partie), elle s’attache à en limiter le plus possible les effets. Le plan français parle non d’indépendance, ni même de self-government, mais seulement de « développement progressif des institutions politiques » ; il se prononce, contre une tutelle exercée collectivement, pour une tutelle confiée à un pays, et insiste sur le principe de non-intervention dans les affaires des États-membres. Finalement, la Conférence adopte, le 25 juin, le principe de la responsabilité internationale pour les anciens mandats et les colonies des pays ennemis. Les colonies italiennes sont concernées au premier chef, et le gouvernement français va se battre, des années durant, pour que la tutelle en soit confiée à l’Italie, position arrêtée définitivement dès mai 1945. Quoiqu’encore mal défini, en 1945-1946, ce « statut international » est une épine dans le pied des colonisateurs et constituera une arme pour ceux des Camerounais qui, à juste titre, prennent au sérieux celui de leur Territoire. Dès le mois d’octobre 1945, au moment d’envoyer des députés constituants à Paris, des Camerounais aussi différents que des chefs traditionnels ou des jeunes militants, syndiqués ou non, écriront ainsi au gouverneur en le menaçant de boycotter un scrutin qui, par lui-même, sous-entend l’incorporation de facto de leur Territoire à l’Empire français. Mais la France a réussi à préserver l’essentiel : sa souveraineté sur le Cameroun à peine entravée par quelques contrôles onusiens. Le 11 novembre 1946, quelques jours après l’adoption de la Constitution de la IVe République, elle envoie le très serviable député du Cameroun Douala Manga Bell intervenir devant la quatrième commission dite « Commission de tutelle » – émanation de l’Assemblée générale des Nations unies où les nations coloniales sont minoritaires en face du bloc anticolonial naissant – où il affirme sans ciller que le projet d’accord de tutelle a bien été soumis à la population du Cameroun et que cette dernière n’a pas manqué de lui donner son entière approbation.


29 avril

élection municipales (29 avr.-13 mai). Les femmes votent pour la première fois.

 

29 avril

l’AML organise un grand meeting à Sétif.

On demande publiquement une Algérie indépendante. Pour avoir toléré la tenue de ce meeting et refusé la dissolution des AML, le gouverneur d’Algérie est rappelé à Paris. Ses adversaires ont alors les mains libres et arrêtent Messali Hadj qui est emmené vers une destination inconnue avec d’autres militants du PPA. Dans toute l’Algérie on demande sa libération. Des manifestations quotidiennes avec chants patriotiques inquiètent la police et l’armée.

Berlin, 30 avril 1945
Berlin, 30 avril 1945

1er mai

lors des défilés organisés lors de la journée internationale des travailleurs, des militants du PPA (Parti du peuple algérien) débordent les cortèges, lancent des slogans nationalistes et réclament la libération de leur chef, Messali Hadj qui a été exilé de force et incarcéré à Brazzaville. La réplique des forces de l’ordre cause trois morts et quelques dizaines de blessés.


2 mai

Berlin capitule devant l’Armée rouge.

 

6 mai

la France fait débarquer des renforts de troupes en Syrie, où elle garde des bases militaires, ce qui provoque de violentes réactions populaires.

 

7 mai

un décret signé par de Gaulle fixe le statut des « notables évolués ».

Pour faire partie de ces « citoyens de statut personnel », seuls autorisés à voter dans les colonies, il faut avoir un travail, être titulaire d’un certificat d’études et être considéré comme de « bonne moralité » – ce qui reste à l’appréciation vigilante du chef de subdivision, habilité à soumettre les candidats à un examen.

 

8 mai

l’Allemagne capitule sans condition. Interruption du prêt-bail des États-Unis à l'URSS pour faire pression sur elle. Cela implique l'arrêt de l'approvisionnement en nourriture.

 

 

Une semaine après la capitulation allemande des grèves éclatent à Lyon, dans le bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais, et dans de nombreux départements de la moitié méridionale du pays. Sous leur pression une « remise en ordre des salaires » est accordée, mais elle s’étire jusqu’à l'automne. Elle est simultanément annihilée par l’envol des prix : à l'automne de 1945 au terme de l’opération menée depuis l'été, le pouvoir d'achat s’établit comme à la fin de 1944, à moins de la moitié de sa valeur de 1938.

 

8 mai

Manifestation à Yaoundé au Kameroun.

À l’appel de l’USCC (Union des syndicats confédérés du Cameroun), première centrale syndicale camerounaise, les manifestants défilent avec le cercueil du nazisme, mais aussi ceux du racisme et du colonialisme, afin qu’ils soient symboliquement enterrés. Choqués et scandalisés, les européens appellent à la répression.

 

https://www.jeuneafrique.com/medias/2013/01/22/016012013101859000000s%C3%A9tif.jpg

 

8-22 mai

massacres de Sétif et Guelma, en Algérie.

Sur ordre du général de Gaulle, le général Raymond Duval et 100 000 hommes sont chargés de mater l’insurrection naissante.

« Veuillez prendre toutes mesures nécessaires pour réprimer tous agissements antifrançais d’une minorité d’agitateurs. » C’est par ce télégramme lapidaire, envoyé le 11 mai 1945, que le Général de Gaulle donne toute latitude à l’armée coloniale pour tuer dans l’œuf l’unification d’un mouvement nationaliste algérien jusqu’ici divisé et traversé par d’importantes lignes de fractures stratégiques.

 

De nombreux dirigeants politiques sont arrêtés. Des villages entiers sont rasés. L’armée française et les milices européennes, soutenues par l’aviation et la marine, multiplient mitraillades, bombardements et exécutions sommaires qui font entre 15 000 et 45 000 morts. Pour que les habitants ne puissent réclamer leurs morts, mais aussi pour dissimuler sa barbarie, l’armée française a même recours à un four crématoire, en activité pendant une dizaine de jours.

 

« C’est en 1945 que mon humanisme fut confronté pour la première fois au plus atroce des spectacles. J’avais vingt ans. Le choc que je ressentis devant l’impitoyable boucherie de plusieurs milliers de musulmans, je ne l’ai jamais oublié. Là se cimente mon nationalisme. »

 

Kateb Yacine, écrivain, poète et journaliste Algérien

20 août 1955 : la petite musique de la mort

 

9 mai

Après la capitulation du Japon, le premier ministre, le prince Phetsarath Rattanavongsa renverse le roi pour tenter de maintenir l'indépendance et empêcher le retour des français. Mais l'avancée progressive des troupes françaises dans le territoire laotien entraîne la chute du gouvernement Lao Issara (Laos libre), de Phetsarath.

 

9 mai

l’Armée rouge libère Prague.

 

16 mai

la France devient membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

 

29 mai

la France bombarde Damas révolté faisant près de 500 morts.

 

29 mai

transfert à l’État des actions de la société des Moteurs Gnôme et Rhône qui devient la Société nationales d’études et de construction de matériel aéronautique (SNECMA).

 

31 mai

l’armée Britannique intervient en Syrie à la demande du gouvernement Syrien, et avec l’aval des États-unis. Jouant sur les contradictions inter-impérialistes, la Syrie peut désormais se permettre de refuser toute négociation avec la France. En réaction, de Gaulle voudra confronter, notamment devant l’ONU, la Grande-Bretagne aux problèmes que celle-ci rencontre depuis quelque temps en Égypte, Irak et Palestine. Il espère contrebalancer l’influence américaine et britannique en mettant de son côté l’Union soviétique et la Chine.

3 juin

en Syrie, la 9e Armée Britannique réquisitionne les locaux et le matériel de l’Office des céréales planifiables (OCP). Tout le personnel français est congédié.

5 juin

Division de l’Allemagne en quatre zones d’occupation.

Les vainqueurs d’Hitler à Berlin le 5 Juin 1945 : Le maréchal Montgomery (GB), le général Eisenhower (USA), le maréchal Joukov (URSS) et le général de Lattre de Tassigny (France)
Les vainqueurs d’Hitler à Berlin le 5 Juin 1945 : Le maréchal Montgomery (GB), le général Eisenhower (USA), le maréchal Joukov (URSS) et le général de Lattre de Tassigny (France)

 

        6 juin

        Les autorités Syriennes prennent le contrôle du réseau téléphonique alors propriété militaire française.

 

8 juin

communiqué de la Ligue arabe.

Elle déclare que, « le Conseil a décidé que le gouvernement français a commis une agression » et « appuie la Syrie et le Liban dans leur demande concernant le retrait immédiat des troupes françaises dans ces territoires. Cette décision rejette également l’éventualité de la présence d’autres forces étrangères (...). Les troupes dites spéciales doivent être intégralement remises à la Syrie et au Liban avec leurs armes. »  En cas de non-respect des décisions de la Ligue, celle-ci prévoit : la rupture des relations diplomatiques entre la France et les pays arabes, la cessation immédiate de la radiodiffusion des bulletins en langue française dans ces mêmes pays, la suppression de l’enseignement du français et la cessation du versement des subventions aux écoles françaises, et le prélèvement dans les biens français en Égypte de la valeur des pertes en vies humaines, des destructions et des dégâts causés par l’agression française.

 

9 juin

constitution par arrêté de la Commission Délépine chargée d’examiner les dispositions d’un projet relatif à l’organisation de la sécurité sociale.

 

22 juin

ordonnance ajoutant une cinquième catégorie de membre à l’Assemblée consultative, réservée aux prisonniers et déportés de retour d’Allemagne (dont Marcel Paul et Marie-Claude Vaillant-Couturier).

25 juin

fondation de l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), issue de l’éclatement du Mouvement de libération national (MLN).

 

                   26 juin

   transfert à l’État des actions des Compagnies Air France et Air bleu.

 

                   26-30 juin

         Xème congrès du PCF qui demande l’union avec les socialistes au sein d'un grand Parti ouvrier français.

 

     "Pour que l'effort de production remporte un plein succès, il est indispensable que ceux qui travaillent mangent à leur faim. Pour cela, il faut gagner la bataille du ravitaillement, payer des salaires et des traitements suffisants, revaloriser le prix des produits agricoles, augmenter la retraite des vieux travailleurs en l'étendant aux vieux paysans, artisans et petits commerçants, établir une fiscalité équitable et confisquer les biens des traîtres.

      Il est non moins indispensable que l'épuration soit faite résolument dans toutes les branches de l'économie et dans la haute administration.

        Il est indispensable que soient balayées toutes les institutions odieuses de Vichy, tous les vestiges du fascisme. Il est indispensable que les traîtres, à commencer par Pétain, soient rapidement et implacablement châtiés. Il faut enfin que, très vite, les grands moyens de production et d'échange, les monopoles de fait retournent à la nation, que soient supprimés les trusts sans patrie, traîtres à la France. Il faut, en un mot, que soit appliqué le programme du Conseil National de la Résistance."

 

Xe Congrès ; Manifeste à la Nation française

 

30 juin

ordonnance fixant le contrôle des prix à priori par l'État et, plus globalement, le droit français de la concurrence.

(Abrogée par l'ordonnance du 9 décembre 1986 :  libéralisation totale des prix industriels et commerciaux, suppression du contrôle administratif).

3 juillet

Arrivée des premières troupes américaines d'occupation à Berlin.

Suite à la réunion du conseil interallié du 11 juillet, les Soviétiques remettent l'administration de la moitié ouest de Berlin aux occupants Anglo-Américains, qui ont eux-mêmes décidé d'en confier une partie aux Français.

 

6 juillet

Les chefs d'état-major américain autorisent une opération spéciale, l'opération Overcast, dans l'objectif de récupérer les "cerveaux" allemands pour les utiliser aux profits de l'industrie militaire et civile américaine.

10-14 juillet

États généraux de la Renaissance française.

 

11 juillet

           le Ministre du travail Alexandre Parodi (gaulliste) soumet un avant-projet d’ordonnance à l’examen de la Commission du travail et des affaires sociales de l’Assemblée, présidée par Ambroise Croizat (PC).

 

                  Elle accueille favorablement le projet de l’administration, se prononce contre la pluralité des caisses, pour le principe de la caisse unique ; reproche à l’Administration d’avoir retiré son projet primitif d’incorporer les allocations familiales dans la caisse unique ; recommande l’intégration des travailleurs agricoles ; soutient énergiquement la décentralisation administrative et l’octroi de larges pouvoirs de décision aux organismes primaires et régionaux ; approuve la proposition de faire nommer les administrateurs des caisses au lieu de les faire désigner par voie d’élection directe.

12 juillet

À Berlin, sous la porte de Brandebourg, le maréchal Montgomery décore le maréchal soviétique G. Joukov de la Grande Croix de l'Ordre de Bath, le maréchal Rokossovski de la K.C.B. et les généraux Sokolovski et Malinine de la K.B.E.

Une bannière proclame "Gloire aux forces soviétiques qui ont planté le drapeau de la victoire sur Berlin".

Le Général Catroux décore G. Joukov au nom de la France.

13 juillet

        L'Italie déclare la guerre au Japon.

                   17 juillet

      Ouverture de la Conférence de Postdam, à proximité de Berlin. Parmi les sujets qui sont abordés : la dénazification, les réparations allemandes et les conditions d'un règlement du conflit avec le Japon.

 

          20 juillet

Un vote au congrès américain autorise les banques d'import-export à augmenter le plafond de leurs prêts de 700 millions à 3,5 milliards de dollars. Le sénat adopte la loi sur les accords de Bretton Woods par 61 voix contre 16

 

                   23 juillet

        début du procès du maréchal Pétain.

 

31 juillet

le projet d’ordonnance organisant la Sécurité sociale est accepté par l’Assemblée consultative provisoire par 190 voix contre 1 (84 abstentions : MRP-CFTC).

 

3 août

adoption « dans ses principes » du projet du CNR datant du 26 mars, puis présenté par Le Brun au nom de la Commission de l’équipement national, de la production et des communications, tendant à inviter le gouvernement à procéder à la mobilisation et à la nationalisation industrialisée de la production, du transport et de la distribution de l’électricité et du gaz. C’est la dernière séance de l’Assemblée consultative provisoire. ses 295 membres se séparent pour faire place au processus institutionnel des élections de députés constituants.

Paysans luttant contre les impôts (avant la révolution d'août 1945), Laque de Nguyen Tu Nghiem (1960)
Paysans luttant contre les impôts (avant la révolution d'août 1945), Laque de Nguyen Tu Nghiem (1960)
Empire japonais
Empire japonais

La Révolution d’août au Viêt-Nam

 

 

À partir du 17 mars 1945, l’organisation d’Hồ Chí Minh – en lien avec l’Office of Strategic Service (OSS) en Chine contre le Japon – reçoit l’aide des Américains afin (officiellement) de chasser l’occupant japonais mais aussi d’empêcher un retour de la France dans la zone.

 

   II_1945_Ho-Chi-Minh-standing-third-from-left-at-a-farewell-party-for-the-OSS-1945

Le commandement Viet Minh et les officiers de la « Deer Team ».

Au centre, le capitaine de l’OSS Archimede Patti, à sa gauche Ho Chi Minh

et à sa droite Vo Nguyen Giap  

 

À Postdam, les Alliés ont attribué les missions de désarmement de l’armée japonaise en Indochine aux nationalistes Chinois au nord du 16ème parallèle et aux Britanniques au sud. Le GPRF, ignorant des exigences Viet Minh, conspue les Alliés pour l’arrangement réalisé sans consultation de la France. 180 000 hommes sous la direction du général Lu Han s’installeront au Tonkin entre les derniers jours d’août 1945 et mars 1946.

 

À partir du mois d’août tout s’accélère :

 

6 août

Le Parti communiste indochinois ouvre sa conférence nationale sur l’insurrection générale, qui aboutit à la création du comité insurrectionnel national général. Sa circulaire exhorte les vietnamiens à développer la guérilla pour la transformer en soulèvement général : « il faut saboter les arrières de l’ennemi aidé pour cela par les masses... notre but est de créer des zones de gouvernement révolutionnaire pour arriver peu à peu à l’établissement d’un pouvoir unique dans tout le pays, l’insurrection armée de notre peuple sera déclenchée vers la deuxième phase de la guerre mondiale... L’heure est proche. »

 

Après les bombardements massifs au napalm, incessants à partir de mars sur tout le Japon, Hiroshima reçoit la première bombe atomique.

 

8 août

L’URSS entre en guerre contre le Japon. Elle va occuper Sakhaline, les îles Kouriles, et envahit la Mandchourie.
Pour l'opération, les Soviétiques ont réuni environ 1,5 million de soldats en trois groupes armés : le 1er Front d'Extrême-Orient, le 2e Front d'Extrême-Orient et le Front Transbaikal. Les troupes sont appuyées par 3900 avions, 5500 chars et 26000 pièces d'artillerie. Face à eux, les Japonais disposent d'un million d'hommes de l'armée Kwantung. Les défenses japonaises sont rapidement bousculées. Les troupes soviétiques prennent immédiatement la direction de Moukden.

 

9 août

Nagasaki subit à son tour le feu nucléaire le 9 août, jour où la Mandchourie est reprise par l’armée Rouge. "Ce que nous redoutions le plus a fini par arriver" confit le premier ministre Japonais, Suzuki Kantaro, pour qui l'entrée en guerre de l'URSS rend "la poursuite du conflit impossible".

Cette victoire soviétique contre le Japon est l'un des déclencheurs de la prise de décision par le Viêt-Minh d'organiser et de préparer l'insurrection.

 

10 août

Les Soviétiques ont déjà avancé de plus de 190 kilomètres en territoire ennemi. Message du gouvernement japonais déclarant que le Japon accepte la capitulation, à la condition "qu'il ne soit pas porté atteinte au statut de l'empereur".

 

11 août

Des cellules révolutionnaires du Viêt-Minh entament leur premiers hauts faits de guerre en reprenant la ville de HaTinh suite au succès de leurs attaques des cibles japonaises.

 

12 août

  Prise d'assaut victorieuse des positions japonaises par le Viêt-Minh à Quang Ngai.

 

13 août

le comité central du Parti communiste indochinois (PCI) et le Directoire du Viet Minh fondent le Comité d'insurrection nationale présidé par Truong Chinh, secrétaire général du PCI. Dans la même journée, le nouveau comité promulgue la directive militaire N°1 d'insurrection générale dans tout le pays.

 

14 août

Traité d'amitié et d'alliance entre l'Union soviétique et la République chinoise. L'accord répartit leurs pouvoirs en Mandchourie.

 

15 août

L'empereur Hirohito annonce la reddition sans condition du Japon.

 

Cette suite d'événements sème la confusion et la démoratlisation dans les rangs japonais et le Viêt-Minh sait en profiter :

 

16 août

les partisans indépendantistes descendent des réduits montagneux où ils se cachent en compagnie des américains de la Deer Team et marchent sur Hanoï avec l’intention clairement affichée de prendre une position importante sur le terrain, avant l’arrivée des missions de désarmement Alliés, afin de négocier en position de force. Le même jour Charles de Gaulle nomme l’amiral Thierry d’Argenlieu au poste de Haut Commissaire de France en Indochine et désigne Leclerc chef du Corps Expéditionnaire Français en Extrême Orient avec pour mission de "rétablir l'autorité française dans les territoires de l'Union indochinoise".

 

Churchill déclare devant la Chambre des communes "un rideau de fer" est descendu sur l'Europe.

 

18 août

La France rétrocède à la Chine le Territoire de Kouang Tcheou Wan, rattachée administrativement à l'Indochine française, qu'elle possédait depuis 1898.

Si cette rétrocession passe pratiquement inaperçu en France, en revanche, elle favorise et encourage les nationalistes du Vietminh qui luttent pour l'indépendance du Vietnam, où la nouvelle est largement diffusée.

 

19 août

les partisans Viet Minh défilent dans Hanoï dans la liesse populaire et sous le regard des japonais déjà vaincus.

 

      

En Chine, les troupes soviétiques font leur jonction avec les troupes communistes chinoises.

Tchang Kaï Chek interdit aux troupes japonaises de se rendre aux forces communistes chinoises et demande à celles-ci de stopper leur avance. Les communistes n'en tiennent aucun compte.

La veille, à la radio de Moscou a été lu un message de Tchang Kaï Chek à Staline dans lequel il annonce que l'amitié entre les deux nations servira non seulement la "paix éternelle" dans l'Est asiatique, mais est un important facteur pour la "création d'un ordre nouveau dans le monde entier".

20 août     

Ernest Bevin, le ministre des Affaires étrangères, condamne la politique soviétique en Europe de l'Est en déclarant : " Une sorte de totalitarisme en à remplacer une autre".

 

21 août

A la suite d'une convention signée à Manille avec les Alliés, l'armistice en Indochine rentre en vigueur le 21 août à 8 heures.
Au moins un millier de Japonais désertent l'armée impériale. Une partie des armes prises par les Japonais aux Français en mars 1945 ainsi que les réserves de piastres des banques sont discrètement transmises aux milices du Viêt-Minh. Entre le 20 et le 22 août, trois cadres Viet Minh organisent la prise pacifique de Huê. Dès lors les indépendantistes contrôlent toute la moitié nord du pays. La nouvelle se répand et partout fleurissent des manifestations pacifiques en faveur de l’indépendance. Des comités populaires sont établis afin de remplacer l’administration française.

Les forces soviétiques occupent pratiquement toute la Mandchourie et continuent à avancer. Les troupes japonaises se rendent au rythme d'environ 100 000 soldats par jour.
Pu Yi, l'empereur qui avait été placé à la tête du Mandchoukouo par les Japonais est capturé.

 

22 août

Le Commandant Jean Sainteny, de la DGER,  gagne Hanoï, avec le major Archimedes Patti de l'OSS et le lieutenant François Missoffe. Le Général Leclerc arrive à Kandy (Ceylan) où il trouve le 5ème RIC, les commandos de marine du Commandant Ponchardier, le cuirassé «Richelieu» et quelques autres navires. Aux Indes, les équipes de parachutage de la DGER ne lui sont pas rattachées. Par contre, les quelques troupes du Général Alessandri, réfugiées en Chine, dépendent de lui.
Il apprend alors que Chinois et Anglais vont désarmer les Japonais en application des accords de Postdam. Les Américains refusent de revenir sur leur décision pour ne pas mécontenter Tchang Kaï-chek, mais ne s'opposent plus au retour - temporaire - des Français en Indochine.

 

23 août

Au cours de son voyage à Washington, de Gaulle obtient du nouveau président, Harry Truman, la reconnaissance de la souveraineté française sur l’Indochine. Il s'assure du soutien de Londres à la reprise de l’Indochine.

 

24 août

Parachutage en Cochinchine du colonel Jean Cédile, nommé Commissaire de la République à Saigon. Il se méfie des troupes françaises internées qu'il ne cherche pas à réarmer. Il s'installe près du Palais Norodom et entame les premiers contacts avec Tran Van Giau, Président du Comité Révolutionnaire du Nam-Bô (Cochinchine).

Ratification à Moscou du traité d'alliance sino-soviétique.

 

25 août

L'empereur Bao Daï, sans moyens d’action, est amené à proclamer publiquement son abdication devant les délégués du Gouvernement provisoire vietnamien. Un moment historique immortalisé par la célèbre phrase du dernier empereur du Vietnam :

« Mieux vaut être citoyen d'un pays indépendant que d'être roi d'un pays esclave ».

Il rejoint Hanoi le 4 septembre où il se voit décerner le titre de « conseiller suprême » auprès du gouvernement. Il s’exilera un an plus tard, le 15 septembre 1946, dans la colonie Britannique Hong-Kong.

Le Comité Révolutionnaire du Nam-Bô, à majorité communiste, est constitué sous la présidence de Tran Van Giau.

Le colonel Hans Imfeld, commissaire du GPRF entre à Luang Brabang, au Laos, avec un détachement de de guérilleros franco-lao et reçoit l'assurance que le protectorat est toujours en vigueur.

Pierre Messmer, nommé Commissaire de la république par interim est parachuté au Tonkin et fait prisonnier par le Viêt-Minh. Jean Sainteny et Léon Pignon font fonction de représentant du gouvernement français.

Les troupes britanniques présentes en Europe de l'Ouest forment la nouvelle "Armée britannique du Rhin" (British Army of the Rhine, B.O.A.R.).

 

27 août

Vô Nguyên Giap rencontre Jean Sainteny à Hanoï.

 

28 août

les premières troupes chinoises, qui devaient être accompagnées du contingent français stationné en Chine, franchissent la frontière seuls. Les chinois pénètrent au Tonkin en arborant le drapeau du Dong minh hoi dominés désormais par les partis nationalistes VNQDD et DMH, soutenus par les nationalistes chinois du Kuomintang, et s’opposant nettement au Parti communiste indochinois (PCI).

 

29 août

La première unité de l'Armée de Libération du Viêt-Nam pénètre à Hanoï.

 

2 septembre

La Ligue révolutionnaire pour l’indépendance du Viêt-Nam – le Viêt-minh – composée de communistes et de nationalistes, avec à sa tête Hồ Chí Minh, proclame l’indépendance de la République démocratique du Viêt Nam, premier État ouvrier et paysans du Sud-Est asiatique.

Les principaux membres du gouvernement Viêt-Minh sont Vô Nguyên Giap (intérieur), Pham Van Dong (finances), Hoang Minh Giam, Tran Huy Lieu.… Hồ Chí Minh se réserve la Présidence et les Affaires Étrangères. Démocrates, Nationalistes, Catholiques, Bouddhistes côtoient les Communistes dans un gouvernement d'Union Nationale. Les dernières résistances japonaises sont vaincues par les Chinois au nord du 16ème parallèle et par les Britanniques au sud.

 

 

« Le Viet Nam a le droit d’être libre et indépendant et, en fait, est devenu un pays libre et indépendant. Tout le peuple du Viet Nam est décidé à mobiliser toutes ses forces spirituelles et matérielles, à sacrifier sa vie et ses biens pour garder son droit à la liberté et l’indépendance… ».

 

Déclaration d'indépendance, Hanoi le 2 septembre 1945


signé :

 

Hồ Chí Minh, Président

Tran Huy Lieu

Chu Van Tan

Duen Duc Hien

Nguyen Manh Ha

Pham Ngoc Thach

Vu Trong Khanh

Vu Dinh Hoe

Vo Nguyen Giap

Pham Van Dong

Nguyen Van To

Cu Huy Can

Nguyen Van Xuan

Dao Trong Kim

Le Van Hien


2 septembre

le Japon signe le traité de capitulation.

 

2-8 septembre

l’Association des colons du Cameroun organise à Douala les « États généraux de la colonisation française » auxquels ils convient leurs homologues d’Afrique subsaharienne française. Le président des colons de l’AEF lance : « L’une des erreurs fondamentales de la conférence de Brazzaville est d’avoir voulu brûler les étapes en niant les lois biologiques de l’espèce, pour l’évolution des races ». Sûrs de leur fait, les « ultras » européens se radicalisent. Au moment même où, grâce au syndicalisme, les indigènes s’organisent.

 

3 septembre

Au Laos, des maquisards commandés par le capitaine Fabre pénètrent dans Vientiane et évacuent les Français délivrés des prisons japonaises. Dans le pays, les franco-lao se heurtent parfois violemment aux indépendantistes viêts du Laos, qui ont formé sur place une branche locale du Viet Minh. Le prince Phetsarath, décidé à éviter un retour des Français, annonce aux Britanniques le 31 août que le Laos n'acceptera pas un rétablissement du protectorat.

 

5 septembre

Le gouvernement provisoire vietnamien abolit les conseils de notables et leur substitue les comités populaires élus au suffrage universel. Le système mandarinal est à son tour aboli et remplacé par une autre hiérarchie administrative et judiciaire, issue des comités populaires.

 

5 septembre

Signature d'un accord à Addis-Abeba entre les représentants du gouvernement français et éthiopien.

La France recouvre ses droits sur la ligne de chemin de fer reliant Djibouti à Addis-Abeba. La ligne, construite et exploitée par une compagnie française, avait été réquisitionnée par les Italiens en 1940, puis était passée sous l'autorité des Britanniques après la capitulation des troupes italiennes. Un traité signé en 1944 entre l'Éthiopie et la Grande-Bretagne avait rétrocédé sa gestion au gouvernement éthiopien. En vertu de l'accord, une commission est chargée de délimiter la frontière entre l'Éthiopie et le territoire français de Djibouti.

 

6 septembre

les éléments précurseurs britanniques arrivent à Saigon, dans le sud du Vietnam. Ils enjoignent les autorités japonaises d’assurer le maintien de l’ordre dont elles ont officiellement la charge en attendant le relais allié, et exigent le désarmement des milices viêtminhs.

7 septembre

Parade de la victoire à Berlin

7 septembre

Lors d'une réunion de cabinet, Truman déclare vouloir faire des États-unis « le gendarme et le shérif du monde »

 

8 septembre

Un décret stipule que l’élection au suffrage universel d’une assemblée nationale constituante vietnamienne se tiendra dans un délai de deux mois. Dans le domaine social, l’accent est mis sur une amélioration des conditions de travail et de rémunération des salariés. En matière d’éducation, la forte majorité d’illettrés (80%) entraine une campagne d’alphabétisation soutenue ayant pour but que tous les Vietnamiens âgés de plus de huit ans maîtrisent la lecture et l’écriture en l’espace d’un an12.


12 Cette campagne s’appuie sur trois décrets en date du 8 septembre 1945 qui créent un enseignement populaire, des cours du soir, et rendent l’enseignement du quac ngu – transcription de la langue vietnamienne en alphabet latin gratuit pour tous. La campagne d’alphabétisation, qui constitue aussi un enjeu en matière de diffusion des idées révolutionnaires, est incontestablement la plus grande réussite du gouvernement vietnamien en 1945-1946.

 


9 septembre

au Nord Vietnam, les Chinois atteignent Hanoi.

En arborant le drapeau du parti Dong minh hoi (DMH), après des accrochages avec divers éléments du Viêt-Minh sur leurs axes de pénétration, les armées de Lu Han ont chassé les comités viêtminhs pour leur substituer des comités des partis nationalistes rivaux. Seuls subsistent sous contrôle des partisans d’Ho Chi Minh les provinces berceaux du mouvement révolutionnaire.

 

 

11 septembre

réuni en congrès, le PCI décide malgré tout d’assurer seul la direction du Front viêtminh et d’assumer de cette manière à la fois la diffusion de la révolution et la conduite des affaires du pays.

 

Les leaders nationalistes du DMH et du VNQDD s’installent à Hanoi sous l’aile de leur protecteur chinois et exigent de participer à la gestion du pouvoir. Hồ Chí Minh propose d’organiser des élections générales le 23 décembre 1945 qui permettraient de constituer un gouvernement d’union nationale. Les nationalistes, mal implantés auprès des populations et qui craignent un échec, menacent de boycotter les élections. VNQDD et DMH sont sous la coupe du général Siao Wen qui fait fonction de chef des services politiques secrets des armées chinoises d’occupation. Celui-ci s’efforce par tous les moyens d’obtenir leur entrée dans le gouvernement vietnamien sans prendre le risque de soutenir des élections qui ne manqueraient pas d’apporter au mouvement d’Hồ Chí Minh une reconnaissance populaire incontestable. En fait Siao Wen espère reconstituer l’alliance des partis vietnamiens mise sur pied au printemps 1944 qui permettrait dès lors à la Chine de se poser en défenseurs des Vietnamiens contre un retour de la France au nord du 16ème parallèle.

 

 

12 septembre

Le gouvernement provisoire vietnamien supprime les conseils de notable, remplacés par des conseils du peuple élus au suffrage universel par les hommes et les femmes agés de plus de 18 ans. Les corvées tradictionnelles sont supprimées. L'agitation sociale se généralise.

 

les premiers éléments de la 20ème Division indienne du général britannique Douglas D. Gracey sont aéroportés depuis Rangoon, accompagnés d’éléments français du 5ème Régiment d’infanterie coloniale.

 

 

18 septembre

Le commandant supérieur des troupes chinoises, le général Lu Han, atterrit dans la capitale tonkinoise.

Il prend symboliquement possession du palais du gouverneur. Les chinois se présentent comme protecteurs des vietnamiens contre leurs colonisateurs, interdisent tout trafic maritime pour les navires français dans les eaux et les territoires sous leur contrôle. Cependant, les troupes de Lu Han semblent disposées à tirer un profit substantiel de leur séjour par un pillage systématique des ressources et des richesses du nord de l’Indochine. Un cours très avantageux du dollar est imposé, qui leur permet d’acquérir à bas prix la plupart des marchandises sur le marché local.

 

 

20 septembre

devant la passivité japonaise et l’agitation croissante, passant outre les consignes qui lui ont été données, Gracey décide de faire assurer le maintien de l’ordre dans Saigon par ses propres troupes. Le lendemain, 1400 prisonniers français jusqu’alors cantonnés dans la caserne du 11ème RIC sont réarmés afin de seconder les Britanniques.

 

 

23 septembre

les colonialistes français déclenchent la guerre de reconquête du Nam Bo (Cochinchine).

Les principaux bâtiments publics de la ville sont repris par les franco-britanniques. Des rafles sont organisées parmi les indigènes suspectés de soutenir le Viêtminh, qui rappellent les répressions entreprises par la sûreté à la fin 1940. Ces actes, de nature à jeter de l’huile sur le feu, préfigurent une politique du pire qui semble inéluctable, même si une trêve fragile sera décrétée le 2 octobre. D’autant qu’une mission soviétique ayant pris contact avec le Viêtminh lui fait savoir que l’URSS n’est pas dans une position lui permettant de s’impliquer en Indochine. Isolé, le Comité central est contraint de trouver un accord avec ses adversaires qui pratiquent une surenchère effrénée.

En réponse à la réoccupation de Saigon par les militaires et les autorités françaises, un comité de résistance de la région de Saigon-Cholon est créé avec le soutien du Viêtminh, et appelle les habitants de Saigon à s'unir pour résister aux colonialistes. Des barricades sont dressées.

24 septembre

vague de répression d’une grève de cheminots à Douala au Cameroun.

Le mouvement s’étend à tous les secteurs et aux chômeurs. L’administration Française distribue des armes aux colons. Des assassinats ont lieu faisant immédiatement 80 morts. Dans les semaines qui suivent, l’empire Français expulse des militants communistes Français de l’USCC. Ceci a pour effet d’accélérer le transfert des postes de responsabilité syndicaux aux jeunes militants Camerounais. Um Nyobè deviendra secrétaire général de l’USCC en 1947. Ce mouvement mènera le 10 avril 1948 à la création de l’UPC (Union des Populations du Cameroun), ouvertement indépendantiste, et dont l’article 1 revendique : « grouper et unir les habitants du territoire en vue de (…) l’émancipation des populations exploitées par les trusts coloniaux et l’élévation de leurs standards de vie ».

24 septembre

accord franco-américain.

Il prévoit la remise « en mains françaises » de 1,75 millions prisonniers de guerre allemands qui seraient utilisés à reconstruire ce qu’eux-mêmes avaient détruit ou pillé. À peine cinq jours plus tard, le 29 septembre, les Américains décideront d’y mettre fin.

 

 

25 septembre

annonce par la commission de contrôle alliée de l'imposition de nouvelles conditions à l'Allemagne. Montgomery, Eisenhower, Joukov et Koenig signent un nouveau document ; le NSDAP est interdit, de même que toute force armée allemande.

3 octobre

Laos : en application directe des directives du général Leclerc sur les troupes autochtones, quatre bataillons de chasseurs laotiens (BCL) sont formés en octobre 1945. Les survivants de la 2ème CCL (Compagnies légères laotiennes)  et les recrues du Moyen et Haut Laos en forment l’ossature. Un quatrième bataillon voit le jour en juin 1946 au Nord-Laos, un cinquième en juillet 1946 à Vientiane et un sixième en novembre 1946 dans la région de Phong Saly.
On parle officiellement de bataillons mixtes laotiens standards à effectif réglementaire de 680 hommes. Au début, ils ne devaient pas compter plus de 15 % d’Européens (tous les officiers et deux tiers des sous-officiers). En 1947, on évoque un « sur-jaunissement spécial » pour les BCL.

À cela, il faut ajouter une unité parachutiste laotienne,  les militaires intégrés aux unités du Train, du Génie, et aux divers services des TFEO (Troupes françaises d'Extrême-Orient) selon la politique du jaunisse-ment mise en vigueur pour lesLaotiens en mai 1946

 

3 octobre

le congrès constitutif de la Fédération syndicale mondiale (FSM) se tient à Paris en présence de 300 délégués de 65 pays, dans la splendide salle du Palais de Chaillot.

 

Malgré le poids des communistes, c’est l’ancien président de la réformiste Fédération syndicale internationale (FSI) et dirigeant du Trade union Congress de Grande-Bretagne, Walter Citrine, qui en devient le premier président, tandis que Léon Jouhaux (socialiste) l’un des vice-présidents. Louis Saillant, membre du bureau confédéral de la CGT et ancien président du CNR, en devient le secrétaire général.

 

Les objectifs sont la préservation de la paix, la lutte contre les régimes fascistes et l’association à la fondation de l’ONU à laquelle elle ne sera finalement pas associée.

En 2020, elle compte 105 millions d'affiliés dans 130 pays à travers le monde.

3 - 21 octobre

le cinquième Congrès panafricain se tient à Manchester.

Véritable succès populaire, le congrès proclame la « détermination des Africains à être libres » et adopte le socialisme marxiste comme philosophie politique. Il affirme aussi sa solidarité avec les peuples de l’Inde, de l’Indochine et de l’Indonésie. La date du congrès a été choisie afin d’être proche de celle du congrès de la Fédération syndicale Mondiale (FSM) et d’assurer ainsi la présence de syndicalistes africains. Au cours de cette rencontre, Nkrumah futur premier ministre du Ghana et organisateur du congrès (avec George Padmore et W.E.B Dubois), propose un texte qui sera adopté, se terminant par : « Peuples colonisés et assujettis du monde, unissez-vous ». Ce congrès représente la fin du panafricanisme négro-américain ou pan-négrisme. D’un appel à une colonisation plus humanitaire, il fait place au panafricanisme africain qui s’oriente clairement vers la revendication d’indépendance.


4 octobre

débuts des ordonnances sur la Sécurité sociale.

 

Entrées en vigueur le 1er juillet 1946. Promulguées sans la signature de De Gaulle, en congé officiel. La gestion des accidents du travail et maladies professionnelles sera confiée aux caisses de sécurité sociale le 1er janvier 1947. Un résistant haut fonctionnaire, Pierre Laroque, met en forme et réalise la synthèse du groupe de travail impulsé dès avril 1944 par Georges Buisson (CGT) et Ambroise Croizat (CGT) dans le cadre de l’Assemblée Consultative d’Alger au sein de la commission du travail et des affaires sociales. L’ordonnance, dans sa rédaction définitive, suit de très près le texte du rapport de la Commission que préside Croizat dès novembre 1944, mais prévoit une autonomie des caisses d’allocations familiales. Cette ordonnance est complétée par celle du 19 octobre étendant et réformant le système d’assurances sociales. Elle améliore le taux des prestations en cas de longue maladie, d’invalidité et de maternité.

 

Création de l'ENA (École nationale d'administration).

 

5 octobre

le général Leclerc arrive au Vietnam, bientôt suivi par une division blindée.

Les premiers éléments du Corps expéditionnaire Français d’Extrême Orient (CEFEO) qui a appareillé depuis la métropole le 15 septembre, sont attendus dans les jours qui suivent. Il promet une politique nouvelle… une fois la souveraineté française rétablie. Il entame alors dans tout le sud du pays une campagne de reconquête efficace et sans états d’âme 13.


13 Ce n’est qu’à partir de début 1946, cette première mission accomplie, qu’il commencera à comprendre l’enracinement du nationalisme vietnamien et à s’interroger sur la vanité d’une reconquête totale.  Pendant ce temps, à Hanoï, une petite équipe de Français (Jean Sainteny, mais aussi le général Salan) a établi un contact timide avec le gouvernement de la RDV. Elle plaide pour une politique de conciliation, consciente qu’une guerre de reconquête sera infiniment plus compliquée dans ce Tonkin en proie à une extraordinaire fièvre patriotique.


11 octobre

rupture de la trêve suite à la mort de deux officiers britanniques tués lors d’un accrochage avec des éléments vietnamiens.
Le général Leclerc nomme un commissaire provisoire de la République et commandant militaire au Cambodge avec pour mission de rétablir sans délai la France dans tous ses droits.

 

15 octobre

le Groupement de Marche de la 2ème Division Blindée débarque à Saigon tandis que les anglo-indiens occupent Thu Dau Mot et Bien Hoa.

Les autorités coloniales françaises arrêtent le Premier ministre Cambodgien Son Ngoc Thanh, qu’ils accusent de trahison. Une proclamation royale entièrement rédigée par le lieutenant-colonel et Commissaire de la République française au Cambodge, P. Huard paraît le 23 octobre, en même temps qu’une version officielle des événements fortement édulcorée.

 

17 octobre

statut du fermage et du métayage.

 

18 octobre

création du Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Irene Joliot-Curieen est l'une des six commissaires.

 

 

Élections constituante et référendum du 21 octobre 1945

 

 

 

C'est la première élection nationale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les femmes et les militaires ont le droit de vote.

 

Le projet soumis au référendum du 21 octobre 1945 prévoit une Assemblée constituante élue pour une durée limitée de sept mois. Les Français répondent favorablement aux deux questions posées par le référendum :

 

• « Faut-il une nouvelle constitution ? » — 96 % de « oui »

 

• « Faut-il limiter les pouvoirs de l'Assemblée constituante élue simultanément ? » — 66,48% de « oui »

 

Résultats

 

Représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne dans le département, sans panachage ni vote préférentiel. Il y a 586 sièges à pourvoir.

 

 

24 octobre

ordonnance conférant à l’Aéroport de Paris le statut d’établissement public.

 

28 octobre

Hồ Chí Minh envoie un message aux dirigeants des principaux partis gouvernementaux français : George Bidault (MRP), Léon Blum (SFIO), Maurice Thorez (PCF).

 

« Nous tous, formés des principes de liberté, d’égalité et de fraternité, bases de la démocratie française, espérons que le nouveau gouvernement démocratique de la France, agissant au nom du peuple français, reconnaîtra l’indépendance de la République du Viet Nam (…) pour [laquelle] tout Vietnamien est prêt à mourir. »

Eugénie Cotton à l'issue du Congrès de la FDIF tenu à Budapest (1948 ), chaleureusement applaudie par Jeannette Vermeercht, déléguée française
Eugénie Cotton à l'issue du Congrès de la FDIF tenu à Budapest (1948 ), chaleureusement applaudie par Jeannette Vermeercht, déléguée française

22 novembre

Fondation de la La Fédération démocratique internationale des femmes (FDIF) lors d'un congrès à la Maison de la Mutualité, à Paris.

 

Sa première présidente est la physicienne française Eugénie Cotton (qui fut maître de recherche au CNRS et limogée par Vichy en 1941. Proche du Parti communiste, elle avait apporté son aide aux antifascistes allemands réfugiés en France depuis 1933, puis aux Espagnols traqués par les fascistes espagnols).
L'organisation compte plusieurs personnalités parmi ses membres fondatrices, comme la Bulgare Tsola Dragoycheva et la Roumaine Ana Pauker et ensuite plusieurs cadres comme la française Marie-Claude Vaillant-Couturier, l'Irakienne Naziha al-Dulaimi, la Cubaine Vilma Espín, la Japonaise Raichō Hiratsuka, la Nigériane Funmilayo Ransome-Kuti, l'Égyptienne Ceza Nabarawi, l'Espagnole Dolores Ibárruri, la Suédoise Andrea Andree, la Soviétique Nina Popova (députée) ou encore la soudanaise Fatima Ahmed Ibrahim.
Certaines avaient participé dans les années 1930 à la création du Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme, dans le contexte du Mouvement Amsterdam-Pleyel, l'un des premiers jalons d'un antifascisme féminin dont l'héritage marque la création de la FDIF. 
Il s'agit de l'une des plus importantes et influentes organisations internationales de femmes de l'après Seconde Guerre mondiale. Eugénie Cotton fait le souhait suivant : « L'action massive des femmes dans la vie publique peut et doit être d'une grande importance » .
À sa création , les principaux sujets de préoccupation de la FDIF sont l'antifascisme, la Paix mondiale (passant notamment par une opposition à la bombe atomique), le bien-être de l'enfant et l'amélioration du statut des femmes et ce afin de s'assurer que vont perdurer les valeurs de la résistance forgées dans la lutte contre le régime nazi et de faire peser ces idées dans les pays occidentaux d'après-guerre.
Avec l'évolution de la situation internationale , les tensions qui font craindre un retour de la guerre et la progressive polarisation en deux blocs en 1946-1947, la FDIF évolue rapidement et combat la menace d'une « guerre impérialiste » venue des États-Unis. La FDIF adopte une ligne de plus en plus alignée sur la politique soviétique, crédibilisée par son aura pacifiste-féministe. Dès 1946, les documents qu'elle produit sont imprégnés par la défense de l'URSS, patrie de la paix, et la critique des puissances occidentales, forces réactionnaires.
Au même moment, d'autres organisations de masse antifascistes sont créées pour regrouper d'autres pans de la société, comme la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique pour les jeunes.

 

Nina Popova, déléguée soviétique (à gauche), La Pasionaria réprésentante des femmes de l'Espagne républicaine
Nina Popova, déléguée soviétique (à gauche), La Pasionaria réprésentante des femmes de l'Espagne républicaine

2 novembre

Le ministre de la Santé, le communiste François Billoux, acte par ordonnance la fondation des centres de protection maternelle et infantile (PMI).

fin du premier gouvernement Charles de Gaulle.

Décret définissant l’œuvre sociale d’entreprise (Ambroise Croizat).

Elle englobe les institutions de prévoyance et d’entre-aide, les œuvres pour l’amélioration des conditions de bien-être (cantines, coopératives, logements, colonies de vacances…), les loisirs et le sport, les institutions d’ordre professionnelle ou éducatif (centre d’apprentissage et de formation professionnelle, bibliothèque, cours de culture générale…), le service médical et les services sociaux.

 

Création de la Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique (FMJD-WFDY) à Londres.
Cette conférence historique est convoquée à l'initiative du Conseil Mondial de la Jeunesse formé pendant la Seconde Guerre mondiale pour rassembler les mouvements de jeunesse des nations alliées dans un large front antifasciste.
La conférence a réuni plus de 600 délégués issues de 63 pays. La conférence a adopté un engagement pour la paix.

 

"La FMJD s'engage à mettre en œuvre la politique définie dans cette conférence et dans les futures conférences, à savoir l'organisation de la jeunesse unie dans sa détermination à travailler pour la paix, la liberté, la démocratie, l'indépendance et l'égalité partout dans le monde. La FMJD doit considérer ses travaux comme une contribution aux travaux des Nations Unies et comme le moyen le plus sûr de faciliter la protection des droits et des intérêts des jeunes et le bonheur et le bien-être des générations futures. "

11 novembre

Hô Chi minh et ses camarades prennent la décision radicale de dissoudre officiellement le PCI, transformé en une vague Commission d’étude marxiste, façon habile de s’assurer d’une part la neutralité des occupants chinois, d’autre part de désamorcer l’hostilité des nationalistes non communistes.

 

Le Comité central du PCF sous la statue de la fraternité, place de la république.
Le Comité central du PCF sous la statue de la fraternité, place de la république.

13 novembre

de Gaulle est réélu président du GPRF.

 

15 novembre

Fondation du Secours populaire français. Destiné à organiser la solidarité dans le contexte difficile de l'après-guerre, il résulte de la fusion du Secours populaire de France et des colonies (ex-section française du Secours rouge international, fondé en 1923) et de l'Assocation nationale des victimes du nazisme (ANVN)

Gouvernement Charles De Gaulle (2) : 21 nov 1945 —> 20 janvier 1946

21 novembre

ministère tripartite MRP (démocrate-chrétiens), SFIO (socialistes) et PCF (communistes).

Après leur forte progression aux élections d'octobre 1945, les communistes revendiquent hautement la direction du gouvernement et au moins l’un des trois ministères clés : Intérieur, Affaires étrangères, Défense Nationale.

 

Le général de Gaulle conteste ce point de vue. Au terme de tractations pénibles, les communistes obtiennent finalement 5 ministères :

 

• Maurice Thorez : Ministre d’État

• Ambroise Croizat : Ministre du Travail

• François Billoux : Ministre de l’Économie nationale

• Marcel Paul : Ministre de la Production industrielle

• Charles Tillon : Ministre de l’Armement (la Défense a été coupée en deux)

 

N’est-il pas périlleux d’avoir accepté de grand ministères comme l’Industrie ou l’Économie nationale, alors que le pays manque de tout, se restreint de tout, alors que d’autre part le ministère des Finances est toujours la citadelle du très conservateur René Pléven (ancien de la ligue d’Action française) ?

 

Pour relever le pays, la tâche est colossale. Les communistes ne vont-ils pas y perdre le capital de confiance qu’ils ont accumulé au long des années, la sympathie des travailleurs ? N’est-ce pas un piège ?

 

« Il s’y casseront les reins »

de Gaulle.

« La bourgeoisie pensait que le parti serait liquidé, enseveli sous les décombres d’une industrie en faillite »
Marcel Paul.

 

2 décembre

nationalisation de la Banque de France et des grandes banques.

De Gaulle met tout son poids dans la balance pour que les deux plus grandes banques d'affaires (Banque de Paris et des Pays-Bas et Banque de l'Union parisienne) ne soient pas nationalisées. De Gaulle a également veillé, avec le soutien du MRP et de la SFIO, à ce que les anciens actionnaires soient indemnisés correctement.

 

6 décembre

Accords financiers anglo-américains.

 

Ce cas britannique illustre le fond même de la stratégie américaine, d'essence économique : imposer enfin l'ouverture de la "Porte" européenne restée fermée ou à peine entrouverte aux marchandises et aux capitaux américains structurellement excédentaires dans l'entre-deux-guerres, programme dont l'énorme zone (monétaire et commerciale) sterling constituait un enjeu décisif.

 

Au centre se situe un prêt de 3,75 milliards de dollar et le règlement définitif du prêt-bail assorti d’un crédit supplémentaire de 650 millions de dollars. Ces facilités accordées à la Grande Bretagne, et soumises à des conditions financières remarquablement avantageuses, impliquent en outre son adhésion anticipée aux institutions de Bretton Woods, un soutien du gouvernement britannique aux projets américains d’organisation du commerce international et des engagements précis de politique monétaire.

 

Ces mesures témoignent de la volonté américaine d'exploiter le terrible affaiblissement de l'alliée-rivale, notamment pour liquider la "Préférence impériale" de la zone sterling qui s'opposait à la pénétration des marchandises américaines, pour supplanter le Royaume-Uni dans ses fiefs pétroliers, ses bases, liquider définitivement la prédominance de la livre dans le commerce international, etc. Une étape essentielle de cette lutte impitoyable fut jouée pendant la guerre et lors de ces négociations.

 

Les Britanniques renoncent ainsi à l’exclusivité qu’ils détenaient sur l’exploration et la production pétrolières au Moyen-Orient. Désormais, l’objectif essentiel de la diplomatie américaine vise à supplanter l’influence britannique dans une zone jugée cruciale pour les intérêts pétroliers et stratégiques des Etats-Unis. Petroleum Company, qui a de fait le monopole de l’exploration et de l’exploitation pétrolières au Moyen-Orient, est particulièrement visée par le gouvernement et les majors américains. Il reste aux États-Unis, pour parachever leur domination du marché pétrolier mondial, à verrouiller les marchés des pays européens et du Japon.

 

Au lendemain de la guerre, George F. Kennan, créateur du concept de containment perçoit dans le Moyen-Orient « the indispensable key to the defense of the American global position ».

 

12 décembre

grève des fonctionnaires.

 

16-26 décembre

Conférence de Moscou des ministres des Affaires étrangères américain, britannique et soviétique.

 

19 décembre

Envoi de la Circulaire T109 par Ambroise Croizat.

 

Les Inspecteurs du Travail sont instamment priés « d'inviter [les] employeurs [concernés] à utiliser de la façon la plus complète et la plus rationnelle toutes les possibilités offertes par les arrêtés, c'est-a-dire tendre, pour la moyenne des salaires, vers les maxima prévus, étant bien entendu que cette application ne saurait avoir aucune conséquence sur la fixation des prix, et que les employeurs ne pourront s'en prévaloir pour demander une majoration éventuelle ». Ce texte, véritable modèle des expédients utilisés par Croizat et ses collègues communistes pour tourner le blocage des salaires, vaudra au ministre du Travail, dans les milieux patronaux, dans l'appareil d'État et dans les formations politiques non communistes, une hostilité qui s’exprimera avec une vigueur particulière à l'heure où les artifices seront pratiquement interdits - à partir de l’automne 1946. Dans l'immédiat cependant, la circulaire TR 109 paraît, à l'examen des statistiques de salaires des premiers mois de 1946, avoir été très efficace.

 

 

21 décembre

création du Secrétariat général au Plan.

 

21 décembre

création du Centre d’études économiques et administratives.

Avec à sa tête l’ancien directeur des Renseignements généraux de Vichy, André Boutemy, son équipe se compose de Vichystes tel le préfet Henry Cado, grand ami du secrétaire général de la police René Bousquet, et l’ex-préfet de Toulouse André-Paul Sadon. Ce comité est chargé de lutter contre l’influence communiste en centralisant et distribuant des fonds patronaux destinés aux candidats soutenus par celui-ci.  C’est derrière ses murs qu’a lieu la distribution des liasses de billets : 500 000 francs pour un député, 1 million pour un ancien ministre.

 

22 décembre

Décret supprimant les sanctions de police administrative pour les infractions spécifiques aux indigènes. C’est désormais le code civil français qui s’appliquera dans les colonies. Mais Lamine Guèye (affilié SFIO) révèle que des arrêtés locaux maintiennent le statut de l’indigénat.

 

25 décembre

décret portant création du Franc CFA (franc des colonies françaises d’Afrique de l’ouest et d’Afrique centrale) et du franc CFP (franc des colonies françaises du Pacifique).

 

De même qu’en 1940 les nazis fixèrent arbitrairement la valeur du mark à 20 francs français, ce décret fixe la valeur du franc CFA à 1,7 franc métropolitiain et celle du franc CFP à 2,40 francs. Pendant l’occupation, les Allemands avaient imposé une monnaie d’occupation spécifique qui à bien des égards fonctionnait selon des principes similaires : une monnaie locale dépendante du Deutschemark, un taux de change entre ces deux monnaies fixé à Berlin, le drainage des ressources au profit de la puissance occupante du fait d’un pouvoir d’achat artificiellement augmenté, un contrôle statutaire de la banque centrale par un commissaire allemand, etc.

 

26 décembre

La France ratifie les Accords de Bretton Woods avec les pays CFA. Dévaluation de 60% du franc.

 

28 décembre

création du Service de documentation extérieur et de contre-espionnage (SDECE).

 Construit sur la fusion du Bureau central de renseignement et d’action (BCRA) du Général de Gaulle et des éléments des services de renseignement de l’armée de Vichy devenus Giraudistes après le débarquement allié en Afrique du Nord.